Guinée : Le verdict populaire et pouvoir discrétionnaire du président

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Le mini remaniement du gouvernement réalisé en début de semaine par décret du président de la République  donne lieu à une divergence de fond entre le pouvoir discrétionnaire du chef de l’État de révoquer et nommer les ministres de son choix et le pouvoir de l’opinion de rendre son verdict sur ces choix-là. Le cas du désormais ancien ministre des sports, de la culture, et du patrimoine historique, Siaka Barry a retenu l’attention.

A peine démis de ses fonctions, l’opinion dominante sur les réseaux sociaux, surtout incarnée par les jeunes a rendu son verdict : la mise à l’écart de M. Barry est vivement désapprouvée en des termes souvent vigoureux, surtout qu’à sa place, vient M. Bantama Sow qualifié par une majorité d’internautes  de propagandiste.

Guinée : Le verdict populaire et pouvoir discrétionnaire du président

Si certains reprochent à M. Barry sa moindre implication dans les affaires du parti au pouvoir et son goût pour l’indépendance, les autres par contre, peu intéressés par ces détails, ont plutôt le regard rivé sur le dynamisme dont il est porteur auprès d’une jeunesse désemparée. Le remplacement de M. Barry par M. Sow, compte tenu de leurs traits de personnalité pose la question sur les critères mis en avant par le président dans le choix de ses plus proches collaborateurs dans le contexte d’un pays ou les attentes des populations sont urgentes, nombreuses et variées.

A observer de près et sans être exclusifs surtout, les critères de choix les plus dominants et frappants sont l’aveuglement pour la cause du parti et les personnalités de moindre envergure.

L’affiliation politique et non l’aveuglement dogmatique pour une cause, est un critère pertinent largement appliqué même dans les grandes nations démocratiques. Un président dirige en principe avec les gens de son parti parce que ces personnes incarnent les idéaux au nom desquels il est élu par les populations. Avec des formules d’ouverture diverses d’une démocratie à une autre, ce postulat est pleinement justifié dans les sociétés où le choix des dirigeants de la nation se font sur la base des idées et du projet de société proposé.

Ramené dans le contexte guinéen où l’élection du chef de l’exécutif émane plus de la mécanique ethnique et régionaliste que de la force de des propositions pour un avenir meilleur, le choix par ce dernier de ses plus proches collaborateurs se trouve d’une manière ou d’une autre, en tout cas en grande partie, largement contaminé par le virus de l’ethnocentrisme.

Dans l’histoire politique de la Guinée, de l’indépendance à nos jours, aucun président n’a réussi à éradiquer ce mal qui gangrène la société et dresse de sérieux obstacles à son épanouissement. La décontamination du politique de l’ethnie ou tout au moins la neutralisation de ce dernier dans la conduite des affaires de la cité est un des plus importants défis que les dirigeants de ce pays doivent urgemment relever, y compris par des actes symboliques forts.

Mais la configuration du paysage politique telle qu’elle existe pour l’instant donne très peu d’espoir sur la capacité et même sur la volonté de la classe politique d’atteindre ce but, malgré le discours contraire des uns et des autres.

En ce qui concerne l’option pour les personnalités de moindre envergure, elle résulte de la crainte somme toute légitime du président de voir émerger les personnalités susceptibles de lui faire ombrage. Deuxième personnalité du pouvoir exécutif au cours du premier mandat du président, M. Said Fofana a très vite compris que sa pérennité à son poste dépendait du rôle de figurant qu’il devait jouer comme dans un film programmé d’avance. Au même poste présentement, M. Youla n’échappe pas à cette règle. Aussi lorsqu’il approche certaines personnalités fortes et ambitieuses, le président réduit drastiquement leurs marges de manouvres.

Une dernière raison qui semble expliquer ce type de choix est l’hyper présidence. Le président est sur tous les fronts, à l’intérieur comme à l’extérieur. Il a la capacité d’enchainer les voyages d’un continent à un autre sur un temps très court, au point que souvent ses compatriotes se perdent sur sa destination. Si cette mobilité prouve sa bonne santé physique et le retour de la Guinée sur la scène internationale, elle soulève en même temps  des questions sur sa capacité de tout faire et sa volonté réelle de déléguer surtout en politique internationale certaines de ses prérogatives à ses plus proches collaborateurs.

Enfin, sans plaider en faveur d’un gouvernement récalcitrant préjudiciable à la cohésion de l’équipe sur laquelle le président doit compter en tant qu’élu du peuple pour mettre en œuvre sa politique, les dirigeants publics de nos jours, doivent faire preuve d’innovation et d’audace, seules sources du progrès des nations qui nous inspirent. Et ceci, sans crainte de se voir débarquer du navire gouvernemental

 

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