Les tristes confidences de Fadjidih

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Les tristes confidences de Fadjidih sur le décès de Daoudydjih du groupe Pap-Soul

Le groupe Pap-Soul

Le 14 août 2002, Karamba Sacko Aka Daoudydjih, frère d’arme de Fadjidih dans le groupe “Pap-Soul”, tirait sa révérence suite à un accident survenu sur la route Kindia-Mamou et qui a fait une trentaine de morts. Une nouvelle qui avait plongé le monde culturel et juvénile dans des moments de tristesse et de larmes.

Quinze ans après le drame, votre quotidien électronique Guineenews a rencontré Fadjidih qui, la voix nouée par la tristesse, a bien voulu confier quelques confidences qui ont marqué cette difficile période de sa vie. Lisez!

 

 

Guinéenews: il y a de cela 15 ans, Karamba Sacko (Richard ou Daoudidjih) décédait suite à un accident sur la voie nationale Kindia-Mamou (Kolèntèn). Pouvez-vous partager avec nous l’émotion qui vous a animé en apprenant la nouvelle funeste?

Fadjidih: l’accident s’est déroulé le 14 août, un jeudi. J’étais enfermé dans ma petite chambre à Koloma et c’est vers 20h qu’un cousin qui avait appris la nouvelle à l’image de tout le monde à Conakry, est venu me retrouver. Le fait de citer Karamba Sacko et un Ousmane. La famille pensait que je faisais partie des victimes et à sa grande surprise, elle m’a trouvé en train de jouer avec les enfants. La tristesse l’avait complètement déboussolé et je lui ai sermonné. Donc du coup, il a compris que je n’étais pas informé. Il m’a cité les noms des amis décédés et il a fini par Richard. Sur le coup, j’étais dans un état second. J’avais l’impression que mon âme quittait le corps.

Je lui ai juste tapoté et je suis rentré. Certains membres de la famille qui avaient aussi appris la nouvelle, m’ont demandé la confirmation de la mort de Richard et c’est là que réellement, je me suis rendu compte qu’il y a eu ce drame. Depuis lors, l’insomnie et la tristesse ont pris le contrôle de ma vie. C’était une période très difficile pour moi et il m’est toujours difficile de le décrire aujourd’hui. Mais avec le recul, je me dis que l’oubli est un cadeau de Dieu car avec le temps, tu t’assagis et tu arrives à surmonter ce genre de coup. Je pense que le temps a fait son effet mais le pote me manque toujours dans tout ce que j’entreprends. C’était un intime ami avant même qu’on ne commence à faire de la musique. Donc, je sens toujours ce vide en moi après quinze ans.

Guinéenews: cinq albums sont sortis depuis le drame, ressentez-vous toujours cette absence musicale de Daoudidjih?

Fadjidih: on était deux. Donc, nous formions deux idées, deux inspirations, deux forces de frappe et surtout deux poumons dans un seul de corps. Le côté qui me travaille de plus, est que je n’ai plus cette personne avec laquelle je faisais des délires et des folies dans mes créations musicales et lors des tournées. Je me sens seul et c’est pourquoi j’ai chanté le morceau “ma solitude” en 2013. J’ai passé une longue période de solitude pendant ces quinze dernières années, mais c’est aussi une période qui m’a renforcé humainement. C’est vrai qu’à son décès, j’étais encore insouciant et je ne me posais pas les grandes questions de la vie, mais j’ai mûri, j’ai beaucoup appris et je me dis que s’il était là, je n’allais pas trop subir parce qu’il était dynamique. Richard était actif, il faisait le manager pour nous et je sais que s’il était là, ça aurait mieux payé que maintenant.

Guinéenews: parlez-nous de la création du groupe Pap-Soul ?

Fadjidih: Richard et moi étions des potes dès mon arrivée à Kindia en provenance de la Côte-d’Ivoire. On partageait tout ensemble avant la création du groupe, en plus il y a un lien familial entre nous par le biais de nos grands parents. La musique est venue après l’amitié. Il y a eu à l’époque un concours de rap à Kindia et Richard s’est classé premier et moi, j’ai été deuxième et le troisième a été Bruno de King’s Boy. Cette compétition a été un élément catalyseur dans notre musique. Car, les gens ont commencé à dire que Karamba et Ousmane ont été les deux premiers, cela nous a donné l’idée de faire un crew mais ce n’était pas à vocation musicale. Nous donnons la priorité aux études. A nos débuts en 1995, on faisait beaucoup plus de reggae que du rap et nous sommes rentrés à Conakry en fin d’année 95.

La vague d’albums Kill Point, Légitime Défense, nous a boostés et nous avons décidé de faire notre première maquette professionnelle. Comme par coïncidence, la personne qui m’a empêché de faire partie du voyage qui a coûté la vie à mes frères, a été celui qui a financé notre premier enregistrement et il s’appelait Jo Balla, un Dj et un de mes oncles. Il avait financé quatre morceaux dans le studio de Bangoura et c’est pendant les prises que Prophète G du groupe Kill Point nous a découvert. Sur le coup, feu Sana Bangoura a fait les présentations et il nous a invité chez lui. Après la première séance de répétitions avec le groupe Kill Point, ils nous ont choisis pour la compilation “Rap Koulai” et on s’appelait “Pap du rap” au départ. Nous avions même fait la compilation sous le nom Pap du rap. C’est pendant la préparation des supports de communication, qu’Izako, Prophète G (tous, membres du groupe  Kill Point) et moi, nous nous sommes assis et j’ai trouvé le nom “Pap-Soul” c’est-à-dire le Saint-esprit.

Guinéenews: nous avions appris au même titre que les Guinéens au moment des faits, vous avez été retenu par un imprévu de dernière minute et c’est pourquoi vous étiez absent du voyage. Relatez-nous les faits ?

Fadjidih: mon oncle Jo Balla était parti au Canada et pour son premier retour en Guinée en 2002, il m’a demandé de le rappeler le jeudi prochain à 10 heures afin qu’il me remette quelque chose. Vu qu’on partait pour Kankalabé dans le but d’assister à un tournoi de football et nous devrions jouer à l’ouverture, faire une semaine et livrer un autre match à la fermeture. Donc, si je partais, j’allais trouver que mon oncle Jo Balla était reparti au Canada. Alors, j’ai dit aux amis de me laisser récupérer ce que j’ai à récupérer et que je les rejoindrai le vendredi. Ce qui est bizarre, c’est que l’argent que Jo Balla devait me donner, je ne l’ai pas reçu. Je ne l’explique jamais mais il faut que les gens sachent que dans cet accident en plus de Richard, il y avait tout ce que j’avais comme amis à l’époque. Tous mes amis sont décédés dans cet accident et après, je me suis retrouvé tout seul.

Guinéenews: qu’est-ce-que vous gardez de Richard?

Fadjidih: Richard était une personne qui ne mettait pas son handicap devant les faits, il se battait avec bravoure et fierté. Il était humain et il m’aimait beaucoup, il ne pleurait pas sur son sort et il tenait tête à n’importe quel obstacle. Tout cela me manque et aussi, il m’a beaucoup inspiré dans mes moments de faiblesse, je me suis dit qu’il fallait être comme Richard pour survivre aux aléas de la vie. J’aurai vraiment aimé qu’il soit toujours là avec moi pour qu’on continue l’aventure. Pour la confidence, Richard m’avait un jour avant qu’on aille enregistrer le deuxième album “Game over”, qu’il avait beaucoup plus peur de la vieillesse que de la mort, qu’il ne veut pas vieillir parce qu’il craignait d’avoir des difficultés à marcher et à faire plein de choses en prenant de l’âge. Il avait vraiment cette appréhension, quelque part, je me dis que c’est ce qu’il voulait le plus, partir jeune. Car, il ne voulait vraiment pas se voir vieux.

Guinéenews: quel est le dernier sujet débattu avec Richard (Daoudidjih)?

Fadjidih: le fameux voyage était le sujet de notre dernière conversation et je lui demandais de me laisser partir le vendredi au lieu du mercredi pour les retrouver à Kankalbé. Jusqu’avant qu’il ne sorte de la maison car, je l’avais presqu’un peu découragé, il m’a répondu par la positive et je lui ai laissé arrêté devant la cour pour me diriger vers les toilettes. A mon retour, il était déjà sorti de la cour et je lui ai couru après mais il partait. Suite à mon interpellation, Daoudidhji m’a dit ‘t’inquiètes, je reviens”. C’était ses derniers mots, le dernier son de sa voix que mes oreilles et mon coeur ont entendu. J’ai cru à sa mort que lorsqu’on m’a montré ses habits. Car, avant de sortir de ma maison, il avait retiré son pantalon pour porter un de mes jeans de couleur kaki plus une paire de chaussures de marque Timberland que j’avais.

J’avais gardé les habits en question pendant longtemps, pensant que j’allais un jour les exposés lorsque je ferai un événement sur lui parce qu’il y a une génération qui a entendu parler de lui, mais qui ne l’a pas connu. Je tiens vraiment à ce que les gens sachent que Fadjidih était avec une personne dynamique et inspirée à ses débuts, qu’on se souvienne toujours de lui. C’est un devoir envers sa mémoire de faire de la musique et de pérenniser son nom, c’est pourquoi mon studio d’enregistrement se nomme “Richard Sound” et Pap-Soul Production est un clin d’oeil à Richard.

Guinéenews: merci à vous pour ce moment de partage intense en émotions ?

Fadjidih: ça n’a pas été facile mais pour une fois, j’ai pu parler de certaines choses et les  mots pour les expliquer sont difficilement venus. Merci à vous pour la visite et pour l’intérêt que vous portez à mon frère et ami, Karamba Sacko, connu sous le sobriquet Daoudidjih ou Richard du groupe Pap-Soul.

Interview réalisée par Cheick Alpha Ibrahima Camara  

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