Les confidences de l’Ambassadeur d’Allemagne en Guinée

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 Matthias Veltin 

est en fonction comme Ambassadeur d’Allemagne en Guinée depuis juillet 2015, son premier poste en qualité d’ambassadeur en Afrique, et troisième poste en Afrique après le Togo et le Nigeria. Il est marié et vit ici avec son épouse qui aime bien la Guinée. Et il a deux enfants qui ne sont pas ici, mais qui connaissent la Guinée. Dans cette interview qu’il a bien voulu accorder à notre rédaction, il est revenu sur un certain nombre de sujets : la coopération Guinée-Allemagne, la situation sociopolitique de la Guinée, la montée du populisme et de l’Extrême droite en Europe, etc.

Presseguinee.com:  La Guinée Actuelle : Excellence Monsieur l’Ambassadeur, depuis votre arrivée en Guinée, quel bilan pourriez-vous dresser de la coopération avec votre pays, l’Allemagne ?

Matthias Veltin : Nous sommes en train de stabiliser notre coopération dans les secteurs de la Santé, de l’Éducation, et de la bonne gouvernance. Nous avons un intérêt important pour les relations économiques des entreprises. Nous avons aussi des échanges entre nos  deux pays sur le plan universitaire et sur le plan culturel. Et je me félicite aussi de l’intérêt croissant de la jeunesse pour faire des études en Allemagne et pour apprendre la langue  allemande.

Quel regard portez-vous sur la situation sociopolitique de la Guinée ?

Bon, je suis tout à fait  conscient de la situation de la Guinée. Il y a bien sûr des conditions à remplir pour assurer au pays un développement économique. Depuis 2010, il y a eu beaucoup de progrès, mais  il y a encore des choses à faire. J’encourage toujours  et partout  les Guinéens et les Guinéennes à prendre des initiatives dans le secteur économique, à être actifs dans l’artisanat et à saisir les opportunités de chances pour chacun dans la vie économique. Pour contribuer au développement de ce pays, on  ne peut pas attendre tout de l’Etat ou des partenaires étrangers. J’ai rencontré beaucoup de gens qui ont réussi ici en Guinée, économiquement. C’est bien possible, il faut avoir plus de confiance.

Face à la montée du populisme et de l’Extrême droite en Europe, faut-il craindre à la longue le durcissement de la politique migratoire de l’Allemagne ?

En ce qui concerne l’Europe en général, pas seulement l’Allemagne, il y a bien sûr ce danger. Je reste optimiste que l’on va garder une politique qui correspond aux  exigences, qui cherche une coopération très étroite entre les Européens et les Africains pour mettre fin à la migration clandestine qui coûte la vie à beaucoup de gens mais qui gaspille aussi beaucoup de moyens. Il faut établir une coopération pour une migration légale,  qui est nécessaire. Je constate qu’en Afrique on considère la migration comme la perte de la jeunesse, c’est-à-dire comme perte de son avenir. On perd les jeunes qui doivent développer le pays. Il serait préférable d’investir quelques mille ou quelques millions de francs guinéens dans des activités au pays au lieu de les gaspiller pour les passeurs.

 

Que fait concrètement l’Allemagne pour la Guinée dans le cadre de la lutte contre la migration clandestine vers l’Europe ? 

Pour notre coopération, on n’a pas seulement les activités sur le plan bilatéral mais on a aussi une coopération Europe-Afrique. Et l’Allemagne participe aux activités de l’Union européenne. Depuis une année il y a ce programme avec OIM  qui est en cours  pour le rapatriement des Guinéens de l’Afrique. Ce programme est formellement financé par l’Union européenne. Dans les 5.2 millions d’euros de la première tranche, la moitié a été financée par l’Allemagne. Nous avons aussi en vue un programme pour la jeunesse  pour combattre les racines de la migration, c’est-à-dire pour donner une perspective professionnelle et de l’emploi à la jeunesse. Un programme qui doit démarrer dans  quelques mois, peut-être en septembre, et qui sera  financé par l’Union européenne avec la participation de l’Allemagne à travers la GIZ. Ce sont les exemples clairs de la coopération directe. Nous participons aux activités de sensibilisation.

Ce programme consiste à quoi réellement pour intéresser les jeunes ?

Il y a plusieurs éléments dans ce programme, une sorte d’orientation parce que nous constatons ici qu’il n’y a pas pour l’instant un dialogue avec les jeunes individuellement pour leur dire voilà quelles sont les perspectives pour leur réussite dans la vie professionnelle. Deuxièmement, il faut les  encourager pour la formation professionnelle parce que c’est vraiment nécessaire d’établir un système de formation technique plus élaborée. Là, il y a des chances pour la formation professionnelle en Allemand. Il y a la  convention de l’OIM, avec les histoires des migrants qui racontent leur calvaire. Nous participons aux activités de la sensibilisation.

 

En réponse à l’utilisation présumée des armes chimiques, les Etats-Unis, la France et le Royaume-Uni ont mené récemment, sans mandat onusien, des frappes contre la Syrie. Pourquoi l’Allemagne s’est-elle abstenue de participer à ces opérations ?

Une chose est claire : nous étions toujours fermes et nous restons fermes sur la question de l’utilisation des armes chimiques. Nous avons toujours cherché aussi une décision ou  une solution dans le cadre des institutions internationales. Pour cela, nous sommes tout à fait d’accord et sur la  même ligne que nos partenaires. Il y a une seule différence en ce qui concerne la réaction. Nous comprenons la  réaction de nos partenaires, mais  nous avons aussi dit que ce n’est pas notre préférence d’agir. Il faut ajouter bien sûr que vu notre politique sur le plan international, nous n’avons pas tellement de ressources militaires qui sont à utiliser pour des actions de nos partenaires : la France, le Royaume-Uni et les Etats-Unis.

Vu son poids économique et diplomatique au sein de l’Union européenne et dans le monde, l’Allemagne ne devrait-elle pas réclamer légitimement un siège de membre permanent à l’ONU ?

Ambassadeur de l’Allemagne en Guinée

Quelques jours après le vote de l’Assemblée générale des Nations unies qui a élu l’Allemagne avec une très grande majorité  au Conseil de Sécurité, je remercie tous nos partenaires qui  ont voté pour l’Allemagne. Je pense que nous avons aussi  rassemblé tous les votes de l’Afrique. Avec aussi nos bonnes relations, l’Allemagne aussi a toujours été un avocat pour une réforme des Nations unies qui reflète la situation actuelle avec la  présence de l’Afrique mais aussi le poids de quelques partenaires sur le plan international.

Pour nous, ce n’est pas un souhait individuel mais une question de réforme qui ne touche pas seulement le Conseil de Sécurité. Aujourd’hui, on doit avoir des sièges aussi pour l’Afrique. On doit avoir des sièges permanents  pour des pouvoirs qui jouent vraiment  un grand  rôle sur le plan international. Ça, c’est dans un groupe de 4 pays : le Brésil, le Japon, l’Inde, l’Allemagne. Dans le cadre de cette réforme, nous pensons justifier avoir aussi un siège permanent, mais pas nécessairement avec le droit de veto. Nous soutenons  des propositions de la part de l’Union européenne. Nous voulons prendre, régulièrement, notre responsabilité  au sein du Conseil de Sécurité pour contribuer au développement de la société internationale.

 

La Chancelière Angela Merkel entame son quatrième mandat à la tête de l’Exécutif allemand. Cela ne rappelle-t-il pas ce  que certains reprochent aux dirigeants africains, c’est-à-dire la tentation de s’éterniser au pouvoir ?

Nous sommes très souvent confrontés à cette question. Madame Merkel dépend de la confiance de l’Assemblée nationale de l’Allemagne. Et si on parle des présidents en Afrique, des dirigeants comme vous le dites, on parle normalement donc d’un président qui est directement élu par la population pour une période de 4 à 5 ans. Pour cette période, il est non seulement le chef du gouvernement mais aussi chef d’Etat. La différence ici est que madame Merkel n’est pas élue avec les mêmes pouvoirs. Nous avons un président de la république qui, formellement, nomme la Chancelière. Et ce n’est pas seulement les mots vides. Elle est bien sûr la dame forte du gouvernement mais elle est toujours dépendante d’un parlement et d’une majorité au parlement.

Et c’est bien possible qu’un jour la majorité au parlement décide de voter contre elle. Et dans ce cas, elle doit partir. Il ne faut pas oublier que  chez nous, notre président de la République est soi-disant le chef de la nation, c’est-à-dire, c’est lui qui couvre et peut dire  voilà je suis le président pour tous. La chancelière doit gérer les affaires dans l’intérêt de tout le monde mais elle est clairement représentant d’une majorité politique. Elle ne peut dire voilà je suis en tout cas aussi chancelière de tout le monde. Et pour cela, j’ai des responsabilités et des compétences très élargies. Elle ne peut pas commander les membres du gouvernement qui viennent de l’autre parti, leur dire faites ça, faites ça. C’est la question qui dépend de la confiance et du soutien d’une réelle majorité politique. Elle ne peut pas faire cavalier seul et gérer le pays en toute indépendance. La position de beaucoup de présidents en Afrique est beaucoup plus forte.

Un mot sur le ‘’Brexit’’ et le couple franco-allemand qui fait office de locomotive à l’Union européenne ?

Moi-même, personnellement, ça c’est la position de mon gouvernement. Nous regrettons la décision de la majorité britannique vraiment, parce que nous pensons finalement que c’est une perte pour tout le monde, même pour ceux qui ont voté pour le BREXIT. Mais la décision est prise, maintenant on va chercher vraiment  une solution d’une coopération dans l’avenir  qui prend  en considération le fait que nous ayons des liens  économiques très intenses. Nous avons la même conviction sur la démocratie et les droits de l’homme. Nous avons une même alliance militaire. On doit garder cette coopération aussi dans le secteur de la Science, l’Éducation, de la Culture, etc.…. ça c’est à régler mais ça reste quelques détails très difficiles. De l’autre côté,

Le président Macron et la Chancelière Merkel se sont rencontrés et ont décidé de la situation en Europe.  C’est un signal que ça marche assez  bien  pour l’instant et on va voir,  j’en suis sûr, le progrès de l’Europe avec une forte contribution de ces deux pays. Nous avons aussi coopéré avec les autres. Mais c’est vrai, on est déterminé pour promouvoir et développer le projet  européen.

Votre mot de la fin Son Excellence Monsieur l’Ambassadeur ? 

Je reviens à la question la plus importante de la Guinée, la question de la perte de la jeunesse ou le risque de perte de la jeunesse. Pour moi qui ai fait aussi beaucoup de déplacement à l’intérieur du pays pour rencontrer surtout les jeunes, je dois dire il faut vraiment utiliser les potentiels de la jeunesse guinéenne, leur donner des chances, car ils sont pleins de créativité. Les jeunes doivent avoir le courage de créer. Le développement de ce pays dépend de ces jeunes. Mon appel pour tout le monde c’est de comprendre que le développement dépend des Guinéens eux-mêmes.

 

Source: Presseguinee.com

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